Les dames Le Marchand by Robert de Roquebrune

Les dames Le Marchand by Robert de Roquebrune

Auteur:Robert de Roquebrune [Roquebrune, Robert de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Publié: 2015-11-03T23:00:00+00:00


CHAPITRE VI

La pluie se mêlait de neige et de grésil depuis quelques jours. Sur les berges du fleuve, une glace mince commençait à se former. Le ciel bas était blafard, et la lumière déjà chargée de tristesse avant de pénétrer dans les chambres. On allumait les lampes dès quatre heures. Dans toutes les maisons du village, les poêles ronflaient en jetant sur le parquet la rouge lueur des portes grillagées. Le bruit du charbon remué, du seau heurté par la pelle, annonçait l’hiver autant que les premiers flocons de neige.

La Sainte-Catherine arriva, qui marque au Canada la vraie fin de l’automne. C’est une habitude de fêter alors les premières neiges par une sorte de réjouissance. Dans chaque maison se confectionne la fameuse tire qui n’a d’équivalent dans aucune région du monde. Il faut être né dans les environs de Québec et de Montréal pour comprendre tout ce que cette tradition a de joyeux et de mélancolique à la fois. Il semble que l’habitant canadien veuille s’étourdir à l’entrée de l’hiver, masquer la secrète angoisse qui étreint les cœurs à la pensée des grands froids qui vont venir.

Les chemins et les routes durcis par la gelée se remplirent de neige fondante au jour, et qui formait un verglas glissant la nuit. Toutes les communications furent interrompues pendant vingt-quatre heures entre le manoir et Montcour. On ne saurait aventurer une voiture sur ces routes où l’on ne peut encore sortir les traîneaux. Enfin, un matin, en ouvrant sa fenêtre, Mme Le Marchand aînée aperçut le jardin tout blanc. Line bordée de neige était venue pendant la nuit donner à la campagne son aspect d’hiver.

Ce premier mois passe assez rapidement. C’est plus tard que viennent les grands froids. Décembre reste encore assez doux. Et la neige qui succède aux pluies et aux boues de l’automne est gaie, à cause de la lumière qui est intense tout le jour et de ce reflet blanc qui emplit chaque fenêtre. Et tout de suite, c’est Noël, la messe de minuit, le temps des fêtes, comme on dit chez nous. La mélancolie de la neige ne vient qu’après, pendant les longues semaines de janvier et de février.

Mme Le Marchand aînée fut très occupée pendant ce mois de décembre. On la vit passer sur la route, dans sa voiture traînée péniblement par le vieux cheval ferré à glace. La carriole la conduisit aussi deux ou trois fois à la gare. Elle prenait le train et passait la journée à Montréal. Et, quand elle rentrait, le soir, elle semblait fatiguée et soucieuse.

Un soir, elle sentit l’odeur et le bruit de la Sainte-Catherine qui montait de la cuisine où les domestiques fêtaient l’arrivée de l’hiver.

— Quel est ce bruit ? demanda-t-elle à la femme de chambre qui servait la table.

— Mais, c’est la Sainte-Catherine ! dit cette fille un peu surprise de la question. Vous savez bien, madame.

— Ah! oui, la Sainte-Catherine...

Mais il était évident que son esprit distrait était ailleurs.

Elle recevait beaucoup de lettres qu’elle allait lire dans sa chambre et auxquelles elle répondait courrier pour courrier.



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